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Cailloux aléatoires

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Je les sème au fil de l'eau. Parfois mots, souvent images, toujours bruts.

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[samedi 06 décembre 2003]

Vie de façade (13:20)

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[vendredi 05 décembre 2003]

L'entre-quatre (14:29)

Parfois, la cassure avec l'extérieur
Le repli sur soi
L'univers hermétique de quatre murs rassurants
La redécouverte de repères familiers
L'espace délimité, sourd aux cris

Et de se renier
Comme tout le monde
Pour faire silence
Pour faire abstraction

Dissiper pour un peu
Dans cette forteresse illusoire
L'amère impression
De n'être que la quille
Dans un grand jeu de chiens

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[jeudi 04 décembre 2003]

Bambou (2) (14:26)

Entre les mêmes, le même

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[mercredi 03 décembre 2003]

Bambou (22:02)

Entre le canapé Kurtovitch et le canapé Gorodé, le bambou éclaté

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[mardi 02 décembre 2003]

Somatisation (17:20)

Brusquement, de me demander si mon mal de dos n'est pas qu'une simple manifestation psychosomatique, une barrière inconsciente que je dresse entre moi et les charmes entendus de cet île.

Que je veuille m'installer sur un hamac terriblement prometteur suspendu entre deux cocotiers, douleur!
Que je veuille m'accaparer une chaise longue de plastique beige sur une plage farineuse, douleur !
Que je veuille m'embourgeoiser en posant mes fesses blanches sur la selle d'un cheval, douleur!
Que je veuille m'essayer à la planche à voile, au surf ou au kyte, douleur!
Que je veuille goûter à la douceur de vivre sur le pont d'un bateau à grenouiller d'îlots en îlots ou à attendre que le poisson ne s'accroche à un fil, douleur!
Que je veuille courir ostensiblement le long des baies pour faire couler dans l'effort les perles de sueur sur la cambrure prononcée de mon dos avant qu'elles n'arrêtent leur course sur le fin tissus moulant sexe et fesses à la façon d'un cadeau prometteur, douleur!

Je suis condamné à penser et à regarder.

Et de rêver naïvement un monde meilleurs, de m'imaginer tout à coup une Nouvelle Calédonie dont tous les habitants souffriraient de sciatique.

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NOTES :

[1] Je me promenais le long de l'anse Vata lorsque je m'arrêtai face à la mer pour observer une jeune femme qui débutait dans l'art épouvantable de la planche à voile. La demoiselle, probablement fort fréquentable lorsqu'elle avait les deux pieds sur la terre ferme, semblait évoluer difficilement en milieu aqueux et être accompagnée presque par hasard d'un objet long et plat qui flottait à ses cotés mais semblait prendre un malin plaisir à lui échapper chaque fois qu'elle voulait s'en emparer pour le domestiquer. Bref, elle passait plus de temps dans l'eau que sur son engin de malheur. Elle faisait pourtant preuve d'une abnégation exemplaire qui aurait certainement émerveillée Mère Thérésa si cette énergie avait été utilisée dans un but autre que celui de batifoler dans le vent et les vagues. La croyant chaque fois sur le point de se noyer, je la voyais pourtant repartir à l'assaut de sa planche fantasque, s'y accrocher, parvenir après plusieurs essais à y monter pour s'accommoder, le temps d'un bref équilibre instable, d'une victoire modeste qui s'achevait fatalement dans une gerbe d'écume avalant la malheureuse. Pour ajouter au pathétique de la situation, tout effort trop brusque qu'elle fournissait pour extraire son corps de l'océan gluant, se soldait par la fuite inexorable de son maillot, la désertion du vêtement minimaliste et assurément trop lâche exposant aux yeux de badauds attendris des fesses rondes et blanches que le soleil s'empressait de croquer. Face à ce combat inégale entre l'homme et la nature, impuissant au drame qui se jouait sous mes yeux, j'ai tout à coup compris que ma sciatique était un don du ciel.

[2] Mes convictions religieuses étant inexistantes, il faut comprendre, dans l'ontologie qui m'est propre, l'expression "don du ciel" comme une variation de "volonté inconsciente", les cieux, dans mon esprit, se résumant en des intuitions diffuses et non provoquées, sorte de manifestations d'un ça primaire freudien.

[3] Si l'église canonisait les sportifs, la Nouvelle Calédonie serait une terre sainte et le journal télévisée une émission religieuse.

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[lundi 01 décembre 2003]

Procuration (23:12)

Nouméa

Cher ami,

Tu me disais avant mon départ vouloir me rejoindre, échapper à la grisaille de ton quotidien. Tu m'écrivais, après mon arrivée, dévorer avec passion mon journal de voyage, te projetant dans le futur, anticipant ta venue, t'immergeant avant l'heure dans cet univers que tu brûlais de connaître et que je te faisais entrevoir. Tu ne m'enviais même pas puisque tu te savais chez toi en sursis, une valise au coin de la tête et que j'étais ta procuration avant que tu ne te jettes à l'eau. Tu poussais l'attention jusqu'à corriger mes fautes d'orthographes et les inévitables coquilles que je laissais trainer ça et là. Je sais que ce n'était pas de la taquinerie, encore moins de la méchanceté. D'une certaine manière, tu t'amusais à polir le miroir pour qu'il puisse mieux réfléchir ton image.
Et puis tes lettres se firent plus rares. Tu n'y mentionnais plus mon carnet, comme si tu avais cessé brusquement de t'y rassasier, comme s'il te faisait peur et m'éloignait de toi tout comme il t'éloignait de la terre qui me porte. S'ajoutaient le flou sur ta venue et le brouillard de tes excuses. Tu te découvrais un travail qui n'était pas prévu, des dépenses soudaines qui bridaient ton budget. Et puis il y eut la brusque dégradation de l'état de cette grand-mère dont j'ignorais l'existence et qui te demandait toute ton attention.
Aujourd'hui tu as cessé de m'écrire. Je culpabilise sur ton silence. Je vis dans la certitude d'avoir brisé tes rêves. Je suis devenu un autre, un inconnu, un empêcheur de fantasmer en rond. Aujourd'hui tu te ressources sans doute ailleurs, t'abreuves à d'autres histoires, t'inventes d'autres voyages. Je te souhaite bonne chance pour la vie qui t'attend et à laquelle je suis devenu, dans l'absence de tes mots, étranger.

S.

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Rennes
Cher ami,

Pas d'excuse à mon silence. A peine des circonstances atténuantes.
Je n'ai jamais connu aucune de mes deux grand-mères. La première est morte peu après la guerre, victime de son coeur fragile. Quant à la seconde, sa disparition fait partie de ces grands secrets de famille soigneusement entretenus. On m'a parfois parlé d'accident. Je pense qu'il s'agissait d'un suicide. Mais quelle importance ? Ni l'une ni l'autre ne sont plus là depuis longtemps maintenant et leur santé n'a jamais été un soucis pour moi.
Même si j'éludais le sujet, je continuais à lire ton carnet de bord. Mais je refusais d'adhérer à la construction mentale dans laquelle tu m'enfermais jour après jour. Tu trahissais ma procuration. Je t'avais laissé un chèque en blanc et tu ne cessais de rajouter des zéros au montant. Je persévérais malgré tout, dans une sorte de masochisme. Je n'y cherchais plus ma liberté. Je venais juste m'y cogner. Petit à petit, la perspective de mon départ, ou plutôt de ma fuite, s'est faite plus lointaine. Le voyage n'était plus vraiment à l'ordre du jour d'ailleurs. Le fantasme de ce départ improbable était devenu suffisant. De rêver l'aventure m'assurait un confort que l'aventure ne me procurerait certainement pas. En tous les cas, le rapport plaisir engendré sur énergie dépensée me semblait clairement à l'avantage de l'expédition immobile.
Mon silence à ton égard, au début simple réflexe destiné à me protéger, s'est rapidement changé en geste de lâcheté. Car je continuais, malgré les vides que je te laissais, mon cheminement, jusqu'à l'absurde. Après avoir voulu m'en aller, puis m'être contenté de rêver ce voyage, je commençais à m'imaginer le retour. J'étais ce mythique membre de la famille parti faire fortune aux îles, ce baroudeur au grand coeur qui tout à coup, ressurgissait comme par magie, faisant sauter les marmots des frères et des soeurs sur ses genoux d'aventurier du Pacifique en racontant des histoires terrifiantes de requins mangeurs d'hommes sur fond de cyclones dévastateurs.
Tu vois mon ami, pour moi, la boucle est bouclée. Pas encore parti et déjà revenu. En héros certes, mais revenu quand même.
Et puis ... et puis je me suis trouvé une petite femme. Alors ici tu comprends, il ne fait plus tout à fait gris. Et j'espère sincèrement que tu pourras la rencontrer lorsque tu reviendras parmi nous. C'est pour mon coté routard qu'elle a craqué. Tous les soir sur l'oreiller, après l'amour, elle s'endort en m'écoutant raconter des histoires effrayantes de grands requins mangeurs d'hommes sur fond de cyclones dévastateurs.

M.

PS: j'ai gardé l'habitude de corriger mentalement tes fautes d'orthographe ainsi que les inévitables coquilles. Je ne suis plus sûr que cette coquetterie ait aujourd'hui la moindre importance.

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[dimanche 30 novembre 2003]

L'enclume et l'allumette (22:09)

La douleur n'est jamais aussi violente que le matin, au réveil. Durant la nuit, lorsque je perds conscience dans le sommeil, mon corps en jachère se laisse envahir par les mauvaises herbes tandis que s'enroulent autour de mes chevilles et remontent le long de mes jambes des racines pugnaces qui me clouent au lit. Et chaque fois je dois renoncer au combat mené pourtant chaque seconde de la journée qui s'achève. Lorsqu'avec l'aube et le bruit du chantier voisin, je réintègre l'enveloppe désertée le temps d'une nuit sans rêve, c'est chez un vieillard inconnu que je m'invite. Je réapprends à mes dépends les mouvements interdits, me fait l'éloge de la lenteur, accepte sous la contrainte de me sentir étranger en mon sang. Vient ensuite le premier contact avec le sol dur, la conscience de mon propre poids et la sensation d'être une enclume en équilibre sur une allumette. Je mets en marche la mécanique rouillée et esquisse un petit pas pour l'humanité tandis que la première grimace de la journée se dessine sur mon visage encore flou. Surgit alors, surprenante et décalée, la rencontre avec l'image que me renvoie le miroir de la salle de bain: au lieu du personnage flétri peinant à se mouvoir que je m'imagine être, je découvre un garçon encore jeune et élancé dont certains jalouseraient probablement la silhouette. Mon reflet prend l'apparence d'une liane souple alors que je ne suis dans la réalité que raideur cassante. Et puis passe la journée, l'apprentissage de la douleur, la domestication de mes tourments dont je précise minute après minute les contours flous pour finalement les enfermer dans un cercle parfaitement défini, localisé au creux de mon rein gauche. Et durant toute la course du soleil, je nage avec un optimisme rageur dans un bain de jouvence imaginaire. Vieillard souffreteux le matin, trentenaire épanoui le soir. Entre les deux, les chocs d'une journée ordinaire qui me voit promener inlassablement sur le territoire ma vertèbre surnuméraire.

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Dernière publication le lundi 08 décembre 2003 à 18:03

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