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Cailloux aléatoires

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Je les sème au fil de l'eau. Parfois mots, souvent images, toujours bruts.

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[vendredi 21 novembre 2003]

La rencontre (22:16)

Il est trop tôt pour que je l'écrive. Mais elle s'est faite trop attendre pour que je la taise vraiment: la rencontre.

Dans un établissement bondé du centre ville, l'homme de Maré a déposé son lourd sac fait par maman et sirote tranquillement une Number One. Provoquant le hasard, ma femme et moi invitons nos fesses à sa table. Il nous parle, dans un sourire, des menottes à ses poignets lorsqu'il attendait le juge pour une convocation qu'il déclina trois fois. Et à l'écouter se raconter ainsi, évoquant ses champs, son oncle né à Paris durant l'exposition coloniale de 1931, ses voyages, sa cuisine, sa manière d'appréhender la vie, les gens, la politique, la nature, de me demander qui, de nous deux, a les mains liées par des anneaux de fer.

Rester modeste, taire son nom et attendre de concrétiser ce fil ténu, premier pas timide mais sincère. Et de juste, pudiquement, noter cette date.

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[jeudi 20 novembre 2003]

Bribes calédoniennes (20:21)

- I -

Entre deux portes, une conversation qui permet de mesurer le poids de la misère humaine sur les épaules des protagonistes :

"Salut tu vas bien?
- Oui, on vient juste de s'acheter un ULM. Le caillou vu du ciel, c'est vraiment quelque chose!
- Ben c'est vrai que ça change un peu du bateau!"

Et de rire tous les deux en agitant les bras tels des sémaphores, sans doute pour dissiper leur cruel mal de vivre.

- II -

A Nouméa, les immenses charpentes métalliques recouvertes de peinture jaune semblent former la variété la plus représentative des plantes sub-tropicales. Il faut dire qu'ici, pour un palmier arraché, c'est une grue qu'on replante.

- III -

La vision, à travers la vitre du Cherokee remontant la rue Lafleur dans le croassement de ses amortisseurs archaïques, de deux kanak livrant combat à une lourde guirlande de Noël qu'ils aimeraient bien voir suspendue. Étrange univers que celui habité par une société qui, après avoir imposé ses propres symboles à tout un peuple, s'arrange pour les lui faire accrocher.

- IV -

Ce fut d'abord un rire franc et bruyant dans mon dos. Ce fut ensuite ce passant qui, sans raison apparente, esquissa un pas de danse à la manière de Fred Astaire. Ce furent enfin des éclats de voix impudiques et des mains qui se frappent, heureuses de se rencontrer. Et puis...
Et puis ce fut tout.
Le danseur anonyme redevint le simple badaud qu'il n'aurait jamais du cessé d'être, les rires s'étouffèrent, les mots se firent murmures et les mains retrouvèrent leur chemin le long des corps. J'avais cru un moment qu'avec l'arrivée de l'été, les habitants de ce pays se décidaient enfin à tomber les masques, à exprimer leurs émotions, à se débarrasser des non-dits accumulés durant la saison fraîche. Mais le manou de tissus léger, un moment soulevé par une rafale de vent, venait déjà de retomber, obscurcissant la fenêtre donnant sur un monde que je n'aurais jamais du entrevoir.
Et je me retrouvai de nouveau seul à marcher en chantant dans la rue.

- V -

Revient inlassablement à mes oreilles agacées le même mythe funeste : vivre ici est un privilège qui a un prix. Et d'accepter, au nom du soleil, du sable blanc, de la mer turquoise et des flamboyants, le racket organisé par quelques grandes familles du territoire avec la bénédiction de l'état. Que ceux ou celles qui choisissent de venir s'installer ici consentent à en payer le prix fort, soit. Mais qu'en est-il des habitants que la nature a fait naître en cette terre, qui n'ont rien connu d'autres et qui mourront sur ce sol après une vie entière d'asphyxie organisée? Ce mythe mensonger cache de plus en plus difficilement le hold-up inacceptable du climat favorable, de l'océan Pacifique, des plages farineuses et des cocotiers.

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[mercredi 19 novembre 2003]

Le toit du monde (21:59)

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[mardi 18 novembre 2003]

Le troisième monde (21:25)

Me prenant pour centre, le petit corps nu entame une ronde joyeuse.

Je suis allongé sur le canapé de tissus rouge posé sur un squelette noir de bois teinté. Quelques jours plus tôt, j'y enfilais longuement mes chaussettes, une pause entre les pieds gauche et droit, un texte entre les deux jambes. A moins que je n'exerçasse cette noble et ambitieuse activité sur l'autre méridienne, sa jumelle : même tissus rouge, noir identique sur un bois semblable, squelette interchangeable. Même prix, même boutique, même fausse réduction promotionnelle, même date de livraison. Les deux canapés se font face et sont séparés par une grande table basse dont la surface est recouverte de quatre pans en bambous éclatés qui délimitent autant de carrés rainurés. La masse imposante et le travail rigoureux de ce lourd meuble de salon contrastent avec l'aspect un peu bricolé des deux sofas. Seule la fausse réduction promotionnelle ayant accompagné l'achat de cette table la rapproche un peu des deux divans qui l'entourent. J'abandonne du regard les motifs géométriques incrustés dans l'épais plateau et reprends la lecture interrompue d'une nouvelle de Nicolas Kurtovitch, auteur calédonien d'origine européenne dont je picore actuellement l'un des recueils: "Totem". Perturbé, sans réelle volonté de rester concentré, je me surprends à m'imaginer manger des Scotch Finger importés de Nouvelle Zélande ou d'Australie, gâteaux secs dont je fais une consommation immodérée chaque fois qu'un paquet a le malheur de se trouver à proximité de ma bouche gourmande. Pour avoir dévoré le dernier représentant de ce haut savoir culinaire australien en même temps que mon café du midi, je sais le placard de la cuisine désespérément vide.

Et toujours autour de moi le vent de la ronde folle et l'embryon d'un chant primitif. Les pieds nus du danseur insatiable martèlent le carrelage blanc et je devine inconsciemment, aux quelques irrégularités du rythme, le fragile équilibre dont le saltimbanque fait parfois preuve.

Je reviens à mon livre et rejoins, pour un bref instant, les grands espaces de l'Outback sur les traces d'un Land Cruiser, de son chauffeur, d'une femme, de ses enfants et d'un aborigène. Mais il m'est rapidement impossible de rester dans l'histoire que les mots sous mon nez me racontent pourtant. Ce n'est pas tant la présence gesticulante du corps en orbite aléatoire autour de moi qui m'empêche d'achever mon récit, que l'existence, sur le canapé jumeau, par delà la massive table basse et ses bambous éclatés, d'un autre livre, en cours également. Il s'agit d'un recueil de nouvelles de Déwé Gorodé, écrivain et militante kanak. Je m'impose sans déplaisir la lecture des auteurs du caillou afin de mieux comprendre la culture de ce territoire. L'idée de m'imprégner, en alternance, dans un enchevêtrement volontaire, d'écrits issus des deux ethnies majoritaires de l'archipel me semble riche de sens. Présentement pourtant, cette approche parallèle me paralyse. Je cherche chez l'européen un peu des doutes qui m'habitent et chez la mélanésienne le souffle doux qui m'aiderait à les dissiper. Mais le premier s'est depuis longtemps déjà frayé son propre chemin vers la société kanak tandis que la seconde, dans la défense légitime de sa culture, ne cesse d'étendre le drap de ma propre culpabilité. Au dessus du large plateau au centre de mon salon, j'assiste, impuissant, à une sorte de joute littéraire entre deux êtres issus d'une même terre et j'oscille sans cesse entre ces deux univers qui se complètent plus qu'ils ne s'affrontent sans parvenir à vraiment m'investir dans aucun d'entre eux, faute de m'y reconnaître ou de m'y faire inviter.

La ronde du nudiste s'interrompt brusquement. Une main jeune et énergique indifférente à mon indécision tranche pour moi sans s'en rendre compte, m'imposant son troisième monde. Elle place brutalement sous mes yeux quelques feuillets mal imprimés d'une revue publicitaire sur laquelle un Père Noël de supermarché invite à consommer sans modération les jouets indispensables à cette fin d'année qui s'annonce. Et devant la valse des prix, des étiquettes, et le sérieux du sujet, j'oublie un moment les Scotch Finger qui ne sont plus, la table basse, son bambou éclaté, Nicolas Kurtovitch et Déwé Gorodé.

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[lundi 17 novembre 2003]

Le pont (22:00)

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[dimanche 16 novembre 2003]

Etagère (21:33)

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Dernière publication le samedi 06 décembre 2003 à 13:44

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