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Cailloux
aléatoires
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Je
les sème au fil de l'eau. Parfois mots, souvent
images, toujours bruts.
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[samedi 25 octobre 2003]
Trente-six chef d'oeuvres
(21:27)
Elle me vient du Cap Vert où je l'ai mise au monde avant de, par trop de lumière, l'avoir brûlée.
Malgré ses plaies dont j'ignore l'étendue, elle m'a suivi par delà les océans, d'abord en France,
puis, survolant d'autres mers, jusque sur la grande terre.
Aujourd'hui j'en demeure le geôlier jaloux, la gardant éternellement dans les fonds d'encre et le froid, cadavre cryogénisé attendant que la médecine, en des lendemains de progrès incessants, puisse ressusciter ce qui n'est plus.
Je n'ai jamais eu la force de découvrir son visage. Elle cristallise tout à la fois le fantasme de la perfection
et celui de l'authentique échec.
Je me souvient de sa naissance, plus d'un an et demi avant que mes présentes aventures ne m'amènent à poser
les pieds en Kanaky.
C'était à Fogo, une des îles de l'archipel cap-verdien. Je me promenais dans les hauteurs de Sao Philipe
désertées par des touristes préférant la coquetterie du centre ville aux tristes cabanes de sa périphérie.
J'arborais fièrement le Leica sur la poitrine, guettant les éclats de vie balayant la pauvreté des décors. J'étais dans un
pays de rires et de chansons, à mille lieues du mutisme déconcertant des calédoniens.
Malgré la barrière de la langue, je me sentais plus à l'aise au large du Sénégal que je ne le suis
aujourd'hui en plein Océan Pacifique. Les serrures semblaient moins
difficiles à ouvrir et souvent la simple présence suffisait à servir de clef.
Je promenais mon objectif au ras des corps et des visages, oubliant outil et technique pour ne me concentrer que
sur les regards. Trente-six poses pour trente-six chef d'oeuvres. Ainsi je rêve encore cette journée, repassant une
à une dans ma tête les images de ces moments simples mais vrais.
Sur les hauteurs de Sao Philipe, était ensuite venu l'accident stupide: une pellicule qui s'achevait
alors que la vie ne demandait qu'à continuer, un geste hâtif de ma part pour ne rien perdre de ces instants qui s'enchaînaient miraculeusement mais dont la magie pouvait se rompre à tout moment,
la semelle du Leica qui s'ouvrit, plaie béante sur un film
non rembobiné, la lumière qui s'y 'engouffra et ruina mes efforts.
Trente-six poses pour trente-six chef d'oeuvres. Ainsi
je rêve ma Tri-X depuis un an et demi. Sorte de totem tabou au fond d'un réfrigérateur, elle attend que je me
décide à la sortir de l'ombre. Mais ne pas connaître ses secrets abîmés est plus réconfortant que de chercher
à les percer pour n'en sauver que des lambeaux. Son ventre plein et protégé ne contient que du rêve et
n'a pour véritable valeur que celle d'un potentiel improbable.
Elle est un peu comme le très vieux vin d'un grand cru dont tout, de l'étiquette jusqu'à
l'histoire, laisse présager le goût exceptionnel, mais dont il est impensable d'envisager de retirer le bouchon
par peur de n'y sentir que le goût d'une infecte vinaigrette.
Je ne sais à vrai dire ce qui est le plus angoissant: découvrir que toutes les photographies prises ce jour là à
Fogo, à l'ombre du puissant et menaçant Pico, sont sans intérêt et que le photographe qui les a commises est dénué
de tout talent, ou au contraire de me rendre compte qu'une des images se révèle être plus forte que toutes celles
que j'ai su jusqu'ici saisir mais que le voile de lumière la rend définitivement inutile.
Je ramènerai sans doute le totem tabou de mon régrigérateur en France, par delà les océans, visage voilé, blessures inconnues, espoirs entretenus : trente-six poses pour trente-six chef d'oeuvres.
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[mercredi 22 octobre 2003]
La croisée des chemins
(21:54)
Dans le silence de mes mots trop rares ces derniers temps, les projets
et les idées brouillonnes s'accumulent sans que je ne discerne clairement
la voie à suivre, pourvu qu'il y en ait une. C'est probablement
l'infinité des cheminements possibles qui me paralyse ,
anéantit mes actions concrètes alors même que mon esprit n'a
pourtant jamais autant cherché.
De cette transition intellectuelle bouillonnante mais peu concluante,
ternie par un dos récalcitrant me
renvoyant l'image d'un grand-père que je ne suis
pas, et pour longtemps encore, je ne retiendrai que l'aspiration à une plus grande
liberté. Elle seule semble évidence et peut mettre fin à mon mutisme.

D'abord s'ouvrir au mouvement par la quête d'une voiture adaptée à la région
et apte à supporter des périples longs, avec toute la cargaison et la logistique
qu'ils supposent, surtout en présence d'un gamin de deux ans tout juste.
Puis se redonner du temps et s'accrocher au désir de plus en plus profond
de ne pas renouveler le poste sous contrat que j'occupe actuellement et qui me laisse un goût
de trop peu dans la bouche, en plus d'être complètement déconnecté des réalités
d'ici. Enfin s'ouvrir l'esprit et grandir en connaissance par la recherche d'une
filière plus apte à donner sens à mon aventure sur la grande terre plutôt que
de m'enfermer dans des compétences informatiques trop pointues pour être
réellement nécessaires à ce pays. Et si je fais fréquemment silence
ces jours derniers, c'est peut être aussi pour m'accorder cette liberté
dont ce journal me prive parfois, trop exigeant dans sa forme même si je
m'impose moins de contraintes dans le fond.

Je suis à la recherche d'une place au sein d'un territoire qui n'a jamais eu
besoin de moi. Je ne suis qu'un simple effet de bord à la venue de ma femme.
Pourtant, ce positionnement que je quête me semble être
la base incontournable à l'obtention des clés qui me permettront
d'accéder aux gens de ce pays. Je ne parle pas ici de collègues de
travail, de métropolitains de passage, de business-men affairés ou de
vendeurs peu scrupuleux qui regardent le zoreille comme un lingot d'or
qu'il faut écorcher pour conserver sous les ongles quelques traces du
précieux métal. Je parle des gens qui naissent et meurent ici et que,
dans mon incapacité à communiquer, je finis par entourer d'un
halo de mystère qui m'excite et me rebute en même temps.
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[mardi 21 octobre 2003]
Les pins
(20:52)

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[dimanche 19 octobre 2003]
Aéroport
(15:08)


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Dernière
publication le samedi 06 décembre 2003 à 13:44 |
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