Cailloux aléatoires

----------------------------------------

Je les sème au fil de l'eau. Parfois mots, souvent images, toujours bruts.

----------------------------------------

[samedi 09 août 2003]

Bonbons sur sable chaud (15:10)

[vendredi 08 août 2003]

De ma terrasse (14:02)

Accoudé à la rambarde blanche de ma large terrasse, je laisse le vent s'engouffrer par rafale sous mon tee-shirt noir, riant de l'épaisse couche d'air qui, piégée entre ma peau et le tissu, me fait ressembler en de brefs instants à un déménageur sous amphétamine. Entre deux souffles, je retrouve l'apparence modeste qui est mienne habituellement: soixante-cinq kilogrammes pour un mètre et soixante dix-huit centimètres.
Les palmiers, jaillissant du pied de l'immeuble pour éclater dans le ciel comme des fusées de feu d'artifice, dessinent une lucarne de verdure mouvante s'ouvrant sur le bleu de l'océan Pacifique. A ma gauche, j'aperçois l'îlot Canard tout proche du rivage. Une tour blanche en front de mer me cache malheureusement l'îlot Maître mais, à force de le voir lors de mes promenades poussette aux poings, je sens sa présence comme s'il me suffisait de tendre la main pour le toucher. A ma droite, l'anse Vata se referme sur le rocher à la voile. Blotti contre le Ouen Toro, l'une des nombreuses collines de Nouméa, j'observe le ballet de tissus colorés se jouant de la houle en profitant du vent, traçant des sillons d'écumes blanches zébrés à leur tour par le sillage des bateaux-taxi se rendant à l'îlot Canard.
Je fais quelques pas sur la terrasse, tournant le dos au spectacle de la mer, serrant dans mes deux mains une tasse Corto Maltèse d'où s'échappe la vapeur d'un café chaud. Mon regard rencontre l'hippodrome qui ce week end doit accueillir la coupe Clarke, une nuée de toits pavillonnaires rouges et plus loin, se découpant sur l'horizon, les reliefs du Mont Dore. Juste avant, je repère la tour Mobilis de l'OPT, juchée sur la colline de Montravel. C'est cette même colline qui abrite le magnifique parc forestier et zoologique de la province sud où nous nous sommes promis, ma femme et moi, d'amener notre enfant ce week-end. Ce sera une première occasion de laisser un peu de coté l'ambiance citadine dans laquelle nous baignons depuis notre arrivée, trop occupés à nous installer pour véritablement profiter des trésors que le territoire offre à ses résidents.
J'ouvre la baie vitrée me conduisant au salon, ma tasse désormais vide et inutile toujours à la main. Je la pose sur le bar de la cuisine américaine, tourne un moment sur moi-même, hésitant à allumer mon ordinateur pour reprendre le fil de mon journal. Je voudrais céder encore une fois à l'appel de la terrasse, contempler à nouveau le spectacle se jouant quotidiennement, m'allonger dans la chaise longue et profiter de mon oisiveté. Mais le temps est mon ennemi. Ma main se tend, index levé, et vient presser le bouton de la machine. Le ventilateur s'ébroue dans un bruit familier, l'écran s'allume, mes doigts trouvent leur place sur le clavier. Dans un soupire, je commence à parcourir ma dernière production d'images.

[lien permanent] [posté par Slo]

[jeudi 07 août 2003]

Le cri (13:10)

"Bonjour petit fermier"
La voix synthétique et métallique du tracteur en plastique jaune, rouge, vert et bleu de mon fils vient un instant gâché le second mouvement du concerto en sol majeur de Ravel, au moment même où le piano, telle une scie musicale, entame sa pluie de notes venant ruisseler de mes enceintes fraîchement installées jusqu'à mes oreilles conquises. Déjà tout à l'heure, ce sont des cris de guerre qui m'ont convaincu d'abandonner l'écoute des gnaussiennes de Satie, moi qui me faisait pourtant une joie, suite à mon aménagement récent, de récupérer ma chaîne hi fi et l'ensemble de mes albums. Je ne suis pas loin de penser qu'il n'y a que Wagner et ses tapageuses Walkyries qui soient capables de résister à un gamin de deux ans à peine. L'excitation montante et de moins en moins contrôlable de mon fils à cette heure est le signe que le moment de la sieste est arrivée, sinon déjà dépassée. J'interromps Ravel pour le protéger du massacre et m'attaque à la préparation du repos du guerrier, pratique que deux mois d'entraînement me font parfaitement maîtriser. Empaqueté promptement dans une couche neuve, enturbuletté séance tenante, empeluché jusqu'au cou, le pouce en bouche et le cul en l'air, dans une position rappelant plus celle d'un cycliste en recherche de vitesse que celle d'un môme appelant le sommeil, je laisse ma tête blonde dans sa chambre et m'installe au salon. Je voudrais profiter de ce moment de répit pour travailler un peu mais l'aménagement dans mon nouvel appartement tout au long de cette semaine a laissé des traces sur mon corps peu sportif et je me sens plus vermoulu que le vieux meuble reçu en héritage de la grand-mère de ma femme et que, dans une grande sagesse, nous avons laissé en métropole. Je m'allonge dans une des deux lydias acquises récemment et l'oreille attentive au premier cri de l'enfant qui signera la fin de mon abandon, je me laisse envahir par une douce torpeur. J'entrevois par la large baie vitrée le bleu de la mer tandis que le mouvement incessant des palmiers sous le vent me bercent et m'emportent loin de mes photographies, loin de ce journal, loin du monde...
Et puis je l'entends, exigeant, sans appel, avec toute l'insolence d'une jeunesse encore animale, sans la retenue que les carcans sociaux imposeront par la suite : le cri !

[lien permanent] [posté par Slo]

[mercredi 06 août 2003]

Coccinelle (22:20)

Les usines du Mexique qui la produisaient encore ont cessé dernièrement de lui donner naissance.
Alors lorsque j'en ai croisé un exemplaire dans sa robe vignoble grand cru, les quatre roues dans le sable, ses yeux malicieux dirigés vers la mer pour regarder agoniser le jour dans un dernier brasier, j'ai voulu lui rendre un hommage à ma façon.
Six secondes de pose pour un mythe éternel!