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Cailloux
aléatoires
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Je
les sème au fil de l'eau. Parfois mots, souvent
images, toujours bruts.
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[samedi 02 août 2003]
Aux portes de la ville
(11:43)


[S U I T E]
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[vendredi 01 août 2003]
Le vaisseau fantôme
(11:26)


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[mercredi 30 juillet 2003]
Port autonome
(11:24)



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[mardi 29 juillet 2003]
Escale et conséquence
(23:18)
La présence fréquente à Nouméa du Pacific Sky, gigantesque paquebot de croisière
battant pavillon australien, contribue au changement subtil mais palpable de l'atmosphère
de la ville et l'insatiable arpenteur des rues que je suis devenu ne peut manquer de
le remarquer. Même sans apercevoir l'imposante carcasse du navire écrasant de toute
sa masse le Port Ferry dans lequel il mouille régulièrement, je devine sa présence à
sa population typique envahissant les boulevards. Au risque de tomber dans la caricature,
les australiens, du moins le public affectionnant ce genre de croisière océanienne, ressemblent à des hommes et des femmes dont les têtes, anglaises, seraient posées sur
des corps américains. Le tout semble étrangement emmailloté de costumes façon
cow boy assortis d'ustensiles plus proches du broussard colonial que du rat des
villes. Se déplaçant par grappes souvent désoeuvrés, les plus téméraires d'entre eux
n'hésitent pas à emprunter le petit train touristique de Nouméa. Et partout dans les
boutiques du centre ville, la douce mélodie d'une langue anglo-saxonne couvre le son
des conversations d'habitude majoritairement française. Je ne sais trop bien ce que
les passages du Pacific Sky peuvent espérer d'une telle escale. Nouméa n'est pas
une ville qu'on apprécie entre deux portes. Il faut du temps et un peu d'efforts avant
qu'elle ne s'offre à l'étranger qui la découvre. Parcourue trop rapidement, elle donne
l'impression d'une ville moyenne de province du sud, malgré la présence du site
balnéaire exceptionnel sur laquelle elle repose. Moi-même, lorsqu'un collègue de
travail de ma femme venu nous chercher à l'aéroport de la Tantouta nous fit gentiment
faire en sa compagnie le tour de la ville, je crus penser être déçu. Ces baies, nombreuses
et variées, sont certes magnifiques, mais ses énormes boulevards continuellement
empruntés par un flot ininterrompu de véhicules me laissaient présager du pire, moi qui
suis un marcheur invétéré. Je me voyais mal devoir prendre une voiture pour couvrir
une distance inférieure à cinq cents mètres, ce qui semble pourtant être ici le sport
national. De toute façon, il est difficile de réaliser de bonnes photographies derrière
un pare-brise. L'avenir m'a donné tort. Certes, Nouméa, conformément à ma première
impression, n'est guère piétonnière. Mais, l'habitude aidant et étant donné le caractère
plutôt courtois des automobilistes calédoniens, il est tout à fait possible de découvrir
la capitale de la province sud sans avoir recours à un véhicule à quatre roues. Aujourd'hui,
je m'y sens aussi à l'aise qu'un poisson dans l'eau.
Pour en revenir à mes australiens désoeuvrés et mal fagotés, je ne pense pas non
plus que la ville de Nouméa soit propice à assécher des gosiers consuméristes assoiffés.
En effet, la vie y reste chère, en tous les cas les prix sont bien plus élevés ici qu'en
Australie, et d'habitude, ce sont plutôt les calédoniens qui se rendent chez leurs grands
voisins pour y faire des affaires.
Pour ma part, j'ai appris à aimer la venue du grand paquebot dans le port Ferry. Il rythme
d'une manière originale et amusante mes semaines sur le caillou, moi qui n'est jamais
l'heure et ne sais que très rarement le nom de la journée qui passe.
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[lundi 28 juillet 2003]
Regard sur Mary Ellen Mark
(11:23)


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[dimanche 27 juillet 2003]
Compagnon de pensées
(21:26)

Je me suis adjoint un nouveau compagnon destiné à épauler l'appareil photographique
qui ne me quitte jamais et encombre continuellement ma poche droite. Il s'agit d'un petit
dictaphone qui devrait avantageusement remplacer le bloc-note que j'utilisais jusqu'ici et
qui, trop encombrant, dormait toujours à l'hôtel lorsque je ne m'y trouvais plus depuis bien
longtemps. Le carnet de papier s'avérait de plus peu pratique lorsqu'il
s'agissait de surveiller les facéties inattendues aux conséquences souvent
catastrophiques de ma turbulente progéniture. Si je rajoute au rang de ses inconvénients la nécessité de posséder un crayon, ustensile fort pratique mais au combien volatile
et fragile, pour en tirer sa quintessence sans me contenter d'en faire des origamis,
je pense ainsi me convaincre de reléguer ce basique accessoire au rang de relique inutile,
vestige de la glorieuse époque où je pénétrai pour la première fois en terre calédonienne.
Si l'idée du dictaphone semble donc bonne, sa mise en oeuvre s'avère plus délicate. Il s'agit
en effet de remplacer la pensée, arborescente, par la parole, linéaire. Il faut ensuite
faire abstraction de l'impression de ridicule qui m'envahit lorsque je me fais violence pour
prononcer à voix haute, dans un petit micro froid, entouré d'une foule tout à coup
moqueuse ou hostile, les quelques phrases qui me passent par la tête lorsque je me
trouve au contact fragile de ces petits riens qui font d'une vie un grand tout. Par contre,
l'enregistreur offre l'avantage déterminant de pouvoir travailler en marchant. Hors je ne me
sens jamais autant prolifique que lorsque mes deux jambes me portent d'un bon pas
d'un point sans importance vers un lieu anonyme. C'est sans doute une des raisons pour
laquelle j'affectionne particulièrement la photographie : parce qu'elle me permet de
composer en mouvement, dans l'action.
Mais lorsque j'écris, le cul vissé sur une chaise, je sens
rapidement monter les fourmis qui m'empêchent de me concentrer.
Ce texte est le premier que je conçois ainsi, en parlant, ou plutôt en bredouillant, encore
mal à l'aise face à mon jouet tout neuf à peine déballé de sa boite. J'espère que, le temps aidant, je trouverai plus d'assurance et que de composer ainsi deviendra une seconde
nature...

Je viens de m'écouter et ne peux m'empêcher de sourire. J'ai l'impression d'entendre une
radio amateur faite par des collégiens s'entraînant avant le direct. Il me tarde de faire
partager ce moment ludique à ma femme et plus encore, de goûter à la réaction
étonnée de ma petite tête blonde sous casquette grise.
Tous deux sont partis, comme chaque dimanche matin, au
marché de Port Moselle. C'est l'occasion pour la mère et l'enfant de faire une
promenade agréable sans la présence flâneuse d'un mari pas vraiment indispensable
car trop attentif aux jeux des lumières et des circonstances propices à la bonne image.
Ce marché est une place riche en affaires en comparaison de
l'offre onéreuse des grandes surfaces de la ville et permet de se fournir en poisson
tout en évitant les pièges pouvant mener à quelques maladies désagréables comme la gratte dont, pour la petite histoire, James Cook fut le premier cas recensé.
Je tourne plusieurs fois autour du bungalow numéro vingt-quatre que j'occupe depuis
mon arrivée ici, pieds nus dans mes claquettes vertes, l'ustensile à la main, parfois
à la bouche. Les alizés se sont tus depuis deux jours et le ciel dégagé laisse passer les
rayons brûlants d'un soleil hivernal que jalouserait celui de l'été breton. Je vis en ce
moment même mon dernier week end au Kuendu Beach Resort Hotel. Je le quitterai
sans regret parce que je ne le savais que lieu de passage mais j'en garderai un
excellent souvenir et il demeurera à jamais le premier contact que j'eus avec cette terre
pleine de promesse. Son jardin, sans doute, me manquera le plus, de même qu'à
mon fils. Je suis curieux, voire anxieux, d'observer comment celui-ci s'habituera de nouveau à la vie en appartement. Certes, il occupera un espace presque deux fois plus grands que celui dont il disposait, rue Papu, à Rennes, et bénéficiera d'une immense terrasse qui ne remplacera probablement pas le terrain qui, ici, lui servait d'aire de jeux.
Heureusement, la présence de la plage de l'anse Vata, à moins de trois cents mètres de
notre nouvelle demeure, devrait permettre de ne pas trop chambouler ses habitudes.
Quant à moi, la perspective d'encrer mon quotidien dans un nouvel environnement
suffit à faire taire mais quelques inquiétudes. Du touriste dilettante mais appliqué que
je suis en ce moment, je vais enfin pouvoir accéder au statut de résident, me
débarrassant une bonne fois pour toute de la logistique d'installation qui me
parasite depuis mon arrivée. Il ne tiendra alors qu'à moi de réaliser tous les projets
échafaudés en métropole avant mon départ, projet dont ce journal, simple brouillon,
n'est qu'une annexe d'une réalisation beaucoup plus ambitieuse. Je sais qu'en écrivant
ces mots, je me mets une énorme pression sur les épaules et que la réalité risque
de me décevoir. Mais cette tension permanente que j'exerce à mon égard est le seul
moteur qui me permet d'avancer. Tout petit déjà je ne savais me montrer efficace
qu'acculer au bord du précipice. Malgré le temps et l'expérience, je n'ai pas changé et
ne fais rien le jour même que je ne puisse remettre au lendemain. Ce journal, avec
ces exigences de mises à jour quotidiennes, comble presqu'intégralement les
trous d'un emploi du temps pourtant vide lors de mon arrivée et je suis heureux de
constater que je m'acclimate fort bien de l'absence de toute activité professionnelle.
Cela me prouve, si nécessaire, que je suis capable d'envisager la vie sous un angle
fort différent de celui imposé par les canons du monde occidental. En terre calédonienne,
que ce soit dans les société mélanésiennes ou d'origine européenne, la figure de l'homme
reste prépondérante et la place de la femme est bien souvent limitée au cercle familial.
Je dois donc faire ici figure d'extra-terrestre, en tous les cas de zore indécrottable, alors
que je m'occupe de mon fils pendant que ma femme travaille à l'université, l'emmène à la
plage et jette consciencieusement mes petits cailloux dans l'eau. Pourtant je ne me sens
pas désoeuvré, bien au contraire. A l'exigence de rentabilité, de performance et d'image,
j'ai substitué l'ambition créative et le plaisir personnel. A tel point que l'idée d'exercer
de nouveau une activité professionnelle en septembre me parait de moins en moins
évidente au fur et à mesure que l'échéance approche. Malheureusement je me dois de
protéger mon avenir, non sur le caillou, mais lors de mon retour en France. Je doute
que ce journal ou que toute autre activité créative que je pourrais exercer, soient d'un
quelconque intérêt pour mes futurs recruteurs métropolitains. Je ne travaillerai donc
pas pour de l'argent. Je ne travaillerai pas pour vivre ici, aujourd'hui. Je travaillerai
seulement pour demain. Et c'est cette lointaine perspective qui n'est pas motivante.

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Dernière
publication le samedi 06 décembre 2003 à 13:44 |
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