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Cailloux
aléatoires
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Je
les sème au fil de l'eau. Parfois mots, souvent
images, toujours bruts.
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[vendredi 26 septembre 2003]
Et si...
(22:21)
Et si je m'étais trompé
Et si ma vengeance sur les couleurs
n'était qu'une imposture
Et si leurs cris n'étaient que mon échec
mon conformisme
Et si elles m'éloignaient de l'intimité
créaient la distance
entretenaient le malentendu
Et si j'avais, malgré moi, brouillé les cartes
succombé au piège
attisant le rêve
alimentant le fantasme
Et si ce n'était plus moi
Et si dans un sursaut
une rage
une conscience
je réapparaissais
délavé
les bords fuyants
comme cette image
à nu
le sable jeté
pour dissiper le mensonge
Et si...
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[mercredi 24 septembre 2003]
Ebauche
(23:58)
Je me souviens de ma rencontre avec Bernard Descamps. C'était il y a
plus d'un an déjà, quelque part en Bretagne, dans une autre vie. Il n'est
pas rare, expliquait-il, que n'importe quel photographe, fut-il modeste,
réalise une ou plusieurs bonnes images, par accident parfois. Le plus
dur à construire, c'est le liant qui cimente ces photographies en une
oeuvre cohérente, un projet qui raconte, respire et se suffit à lui-même
dans une grammaire qui lui soit propre.
Je commence à comprendre le choix inconscient du mot "aléatoire" dans le
titre de ce journal. Une manière hypocrite de me dédouaner et de faire
rentrer tout et n'importe quoi dans un même sac. Changer de style comme
de chemise, passer du noir et blanc à la couleur, du sténopé au
numérique, du réel au décalé, de l'ombre à la lumière, en prétextant
l'effet voulu et en m'inventant une liberté. Il serait peut être temps
que je me sorte la tête du sable et que je m'interroge enfin sur le
pourquoi des incohérences de mes projets. Et ce n'est pas en m'abritant
derrière la chronologie rassurante des jours qui passent que je
trouverai une vraie réponse à mes questions.
Aujourd'hui, le nez dans
les ébauches de mes ébauches, je retourne le couteau encore chaud dans
la plaie et présente ici-même le travail inachevé de ma Calédonie par le
chas d'une aiguille.
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[mardi 23 septembre 2003]
Mythologie
(22:53)
Tous les éléments fondateurs du mythe océanien sont ici réunis : le bleu du ciel et de la mer, l'îlot tentateur à portée
de la main, le sable invitant à la sieste et l'indispensable palmier dont l'ombre rassure les peaux fragiles.
Ne pas se fier aux trompeuses apparences : le sable n'est ici que monticule amassé par une funeste
pelle mécanique et le palmier est sur sa dangereuse trajectoire. Quant à l'îlot, il prostitue ses plages.
Le voyageur insolant qui ne règle pas sa dîme n'a le droit qu'a des coraux morts et tranchants exposés au vent.
Reste le bleu du ciel et de la mer. Pour combien de temps encore?
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[lundi 22 septembre 2003]
Train aquatique
(22:39)
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[dimanche 21 septembre 2003]
Yaté, l'expérience du réel (II)
(15:46)
Cette plongée volontaire dans un réel formaté, mesuré, horodaté, chronométré, s'avère se transformer en une
véritable galère. Travail énorme de retranscription, fastidieux comme l'apprentissage de l'annuaire,
qui débouche sur un résultat dérisoire. C'est cher payer le prix d'une vengeance qui se retourne contre
son auteur, mangeant son sommeil, engourdissant ses doigts, raccourcissant ses week ends, anesthésiant
son esprit.
Où l'on retrouve, pour une seconde partie, le petit coupé bleu descendant calmement le col des deux tétons
à la poursuite du Hyundaï cracheur de suie :
La route ne tarde pas à monter de nouveau. Nous comprenons qu'après les deux tétons, s'enchaîne
immédiatement un nouveau col, Ouénarou, cinq kilomètres plus loin.
D'après le guide, le sommet marque la limite entre les bassins
de la rivière des pirogues que nous avons franchie la semaine dernière en nous rendant vers Prony,
et la Yaté.
En descendant de Ouénarou, nous découvrons la retenue d'eau de quarante kilomètres carrés formée par
le barrage de Yaté. Les lacs artificiels sont toujours des théâtres où se jouent de poignants spectacles.
La nature noyée de force, prisonnière d'un suaire létal imposé par l'homme, souffre en silence et
conserve une dignité tragique. Les arbres sans vie, l'écorce à nu, maintiennent une partie de leur
corps hors de l'eau, refusant même dans la mort de se coucher pour disparaître,
formant un étrange cimetière à la mémoire des printemps d'autre fois.
La route longe le lac. A notre gauche, une route mène au parc de la rivière bleue. La voiture passe devant
le carrefour et continue, rencontrant un peu plus loin la voie qui mène aux bois du sud, endroit de charmante
réputation pour manger ou camper. Plus loin, une piste mène aux chutes de la Madeleine.
Nous ignorons ces multiples appels au vagabondage pour nous concentrer vers
l'objectif de notre escapade.
Après la plaine du marais de Kiki, la route (RP3) recommence à grimper et nous avons même le droit à quelques lacets.
Nous franchissons un col qui nous offre une superbe vue sur la baie ainsi que sur l'embouchure de la Yaté et de
la fausse Yaté. Au pied du col, après la descente, nous arrivons à un carrefour en forme de
vague rond point dont la signalétique nous semble un peu confuse. Et c'est là que nous dansons
sans vraiment savoir que faire. Pas de carte sur nous, ni de guide. Nous prenons sans le savoir la route
conduisant au village mais, plutôt que de continuer, préférons emprunter un ouvrage d'art long de cent cinquante mètres
qui nous éloigne de notre objectif et nous fait filer vers la tribu de Unia.
Nous rendant compte de notre erreur, nous faisons demi-tour, mais, ratant une fois de plus l'entrée de Yaté village,
empruntons la voie qui nous dirige vers les tribus de Waho et de Touaourou.
Par la faute d'un amateurisme dont je suis coutumier malgré les efforts de ma femme pour m'insuffler un
minimum de discipline, jamais nous ne rencontrerons au cours de cette journée le village de Yaté. Nous avons
emprunté la route du même nom, aperçu le barrage, vu la rivière et sa fausse soeur, franchit son
col et dominé sa baie. Mais de village, point.
Nous trouvons finalement refuge, un peu vaincu, au lieu dit "Touaourou mission" qui, à lui tout seul, rachète
heureusement nos erreurs. J'en profite pour me dérider pendant que ma femme dégourdit l'enfant.
Il est finalement onze heures et demie lorsque nous nous apprêtons à chercher un snack annoncé à quelques
centaines de mètres de la plage où nous nous sommes arrêtés. Nous laissons donc, dans
le sillage de la voiture bleue, une église récente ainsi qu'une bâtisse qui semble être l'illustre ancêtre de la précédente
mais dont le dangereux état de délabrement ne pousse pas à la croyance, une école, un terrain de
basket et de football qui se partagent, dans un comique rendez-vous, le même espace que celui des
deux maisons de dieu.
J'ai pris quelques images du site, plus par habitude que par réelle motivation, nos errements et les conséquences
de ma légèreté m'ayant un peu coupé l'inspiration.
Un peu de couleur destiné à mon journal quotidien et un peu de noir et blanc pour prolonger
le travail que je réalise depuis quelques
semaines au sténopé.
L'heure avançant, il est grand temps de trouver quelque chose à se mettre sous la dent.
Le long de la route, nous tombons rapidement sur la gargote désignée par les habitants interrogés : snack de Gnanté.
La nourriture est simple, ce qui, vu mes goûts particulièrement restreints, n'est pas pour me
déplaire : steak frites pour moi, poulet au cari pour ma femme. Nous avons apporté, comme d'habitude,
la nourriture du gamin et il n'a droit qu'à quelques extraits de nos propres assiettes en guise d'extras.
L'ambiance est sympathique et chaleureuse. Notre pause coïncide avec la sortie de la messe et plusieurs
personnes, des femmes essentiellement, viennent boire un verre avant de retourner chez elles.
Notre fils, toujours charmeur, sait très bien provoquer les rencontres et amorcer les conversations.
12h51, il fait 27 degrés lorsque nous reprenons la route en direction des anciennes mines de fer
de Goro. La route est toujours praticable même s'il faut se méfier des nombreuses ornières. Elle n'est
pas très large et la terre rouge a tendance à gagner du terrain sur le bitume. Il fait plus chaud que
ce matin mais des nuages commencent à s'amonceler dans le ciel. Ma femme est toujours au volant
et je suis toujours accroché à mes notes. J'appréhende déjà le moment où il va me falloir les exploiter.
Nous passons devant l'entrée d'un terrain de camping puis devant celle du gîte Saint Gabriel. Deux points
de chute éventuels à retenir lorsque nous reviendrons dans le coin pour une durée plus longue.
Une journée s'avère trop courte pour vraiment profiter de la région et je me rends compte que nous
nous sommes montrés trop optimistes.
13h, nous avons fait cent vingt-cinq kilomètres depuis notre départ de Nouméa ce matin.
La fine bande de goudron finit par s'interrompre complètement et nous entamons un morceau de piste
rouge. Le rythme se ralentit encore mais nous gagnons en authenticité. La voiture en est quitte pour
virer du bleu au roux. Investir dans un quatre-quatre ne serait sans doute pas une mauvaise chose.
Sans certitude puisque nous avons oublié la carte à la maison, ma femme et moi supposons que cette
piste conduit effectivement à l'ancienne mine de Goro. Notre fils ne suppose quand à lui plus rien du tout :
il dort dans son siège auto.
Une pancarte nous rassure sur nos conjectures : Goro.
Nous passons un radier. Talus à droite et à gauche, et dans le lointain, de superbes
pins colonaires en bordure de mer. J'avoue avoir bien du mal à me repérer.
Nous retrouvons le goudron sans être encore tombé sur l'ancienne mine.
La route n'en ai pas franchement meilleurs pour autant mais reste très acceptable et utilisable par
une simple voiture de tourisme.
Dix kilomètres depuis le snack de Gnanté. Nous passons devant la tribu de Goro qui semble
animée. Le village est un agréable mélange de maisons en dur et de cases coutumières. Le décors est superbe
et la tribu occupe une bande de terre inondée de verdure qui longe la mer.
Nous nous arrêtons au bas de la cascade de Wadiana : roches rouillées tourmentées sur lesquelles saute
une eau joueuse avant de se jeter dans une piscine naturelle d'environ 40 mètres sur 15 mètres.
De jeunes enfants, probablement de la tribu de Goro, ne se privent pas du plaisir d'en jouir,
se laissant glisser sur les cailloux humides avant de se baigner tout sourire et
de mener de pacifiques combats d'écume blanche.
Difficile, à l'aide de mon seul sténopé comme outil, d'en sortir une image correcte.
Le temps étant notre ennemi, il est déjà l'heure de quitter les lieux, sans vraiment avoir pu en profiter.
Avec le môme endormi dans la voiture, difficile de faire une paisible promenade ou même de s'installer
au pied de la cascade. Ma femme et moi avons été contraints de nous relayer pour profiter du spectacle.
Malheureusement pour mon épouse, lorsque vint son tour, les enfants de Goro s'étaient déjà sauvé et elle
rangea de dépit son appareil, pourtant bien plus adapté à la situation que mon sténopé.
Parfois, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas!
Il est 13h48 lorsque le moteur se remet en marche et que nous reprenons notre quête des anciennes
mines. Espérons qu'elles ne soient pas trop éloignées parce qu'à l'arrière de la voiture, la petite tête
blonde, de nouveau réveillée, commence à franchement s'impatienter et à se sentir mal à l'aise. Sa
mauvaise humeur étant facilement contagieuse dans un environnement aussi confiné que celui du coupé
trois portes qui n'a rien de familiale, l'escapade risque de se terminer dans les cris et les larmes.
Avec un gamin en bas age, il faut savoir rester modeste dans le planning de ses excursions
et prévoir près de deux fois plus de temps qu'il n'en faut à des adultes seuls.
Nous arrivons enfin, soulagés, aux pieds des vestiges de la mine : poutrelles mécaniques rouillées s'avançant
dans la mer, masses imposantes de béton gris escaladant la falaise ou s'étalant dans des bâtisses
aux allures de blockhaus abandonnés. La mine fut exploitée par les japonais jusqu'à la seconde
guerre mondiale. Si l'ensemble parait photogénique, l'expérience m'a appris à me
méfier des fausses bonnes idées. Et le soleil semble bien mal placer à cette heure.
Nous sommes arrêtés sur site depuis à peine deux minutes que des mélanésiens passent en voiture,
s'arrêtent à notre hauteur, et nous indiquent que nous sommes sur une propriété privée. Il faudra
revenir une autre fois, nous arrêter à la tribu de Goro et demander Valentin Agouréré (nom
d'un des clan de la tribu), le jeune (parce qu'il y a le vieux Valentin).
C'est lui qui nous donnera son autorisation. Le ton est courtois mais ferme. Ici, en Calédonie,
il est parfois difficile de savoir ce qui est libre et ce qui est régi par les lois coutumières et demande
autorisation. Dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, nous venons vraisemblablement de
commettre le premier impaire depuis notre arrivée sur le caillou.
Par respect et comme pour expier une faute, je m'abstiens donc de prendre des photographies.
Nous nous promettons de tout faire dans les règles lors de notre prochaine visite. Cette démarche aura de plus
l'avantage de nous faire rencontrer des gens en dehors du cercle fatiguant des citadins de Nouméa.
Les kanaks ont la réputation d'être respectueux avec les personnes respectueuses. Histoire à suivre.
Il est 14h20. Demi tour et nous repassons devant la tribu de Goro. Nous avons fait 135 kilomètres depuis
notre départ de Nouméa. Nous rejoindrons probablement la capitale vers 16 heures.
Le chemin du retour se passe sans encombre et je note au passage les quelques noms qui ont pu échapper
à ma vigilance de ce matin. La beauté du décors est une nouvelle fois l'occasion de s'interroger sur
le partie esthétique à en tirer dans une représentation imagée.
La conversation dérive alors franchement sur le paysage dans l'art contemporain. En fait, plutôt que
la nature sauvage, il semble que soit plus l'homme qui soit au coeur des préoccupations des artistes
d'aujourd'hui.
La nature ne transparaît dans les oeuvres que lorsqu'elle renvoie vers l'humain, soit parce
que l'homme y laisse ses doigts sales en la dégradant, soit parce qu'il l'occupe tout simplement (paysages
urbains), soit parce que le paysage est l'occasion d'un décors pour un propos différent (le land art).
Prétexte, décors, miroir, révélateur... La nature ne semble plus guère aujourd'hui être représentée pour elle
et elle seulement. Sont évoqués tout de même au fil de notre discussion David Hokney et les errances
de Depardon.
Il est 16h08, 27 degrés, 235 kilomètres. Retour à la case départ.
Un jour, nous verrons Yaté...
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Dernière
publication le samedi 06 décembre 2003 à 13:44 |
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