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Cailloux aléatoires

 

Les carnets australiens - Sydney

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Le lundi 12 janvier 2004

Un trajet sans surprise me conduit jusqu'à destination. Heureusement suis-je tenté d'ajouter, les imprévus de vacances prenant en général des allures de galères que je n'ai pas envie d'expérimenter même si elles pimentent l'existence. Juste un léger incident à l'aéroport lorsque ma femme s'est improvisée terroriste internationale en tentant d'embarquer en cabine la paire de ciseaux à bouts ronds servant à faire les ongles de mon fils. Une petite surprise également en atterrissant en territoire australien puisque le visa de mon fils lui donnait un âge respectable de 34 ans alors qu'il vient juste de fêter son deuxième printemps. Mais dans l'ensemble, rien de notable.

Comme prévu le tonnerre, la trouille au ventre pendant tout le vol même si les conditions climatiques étaient bonnes et puis le calme retrouvé en même temps que le plancher des vaches et le bonheur de se retrouver en terrain inconnu, là ou il y a tout à découvrir, voir et photographier, dans la folie d'une vraie mégapole.

 

Nous logeons dans les "Pacific International Apts", donnant d'un coté sur le 438 Sussex Street, en plein China Town et sur le 653 George Street pour l'autre entrée. Le studio que nous occupons au huitième étage est modeste mais propre. De toute façon, la logistique d'installation peut bien attendre un peu et nous procédons avant tout à un rapide repérage des lieux.

Mélange réussi d'ancien et de moderne, chaque vieille façade de la ville semble être exploitée lors de réhabilitations successives et continue ainsi à vivre malgré le temps et les changements d'esprits. Les bâtiments hybrides qui en résultent, juste équilibre entre classique et contemporain, sont très agréables à l'oeil et confèrent à la ville un cachet certain.

Les larges trottoirs rendent les ballades à pied et en poussette très simples et plaisantes, contrastant avec les luttes continuelles qui nous occupent si durement à chaque sortie dans Nouméa. Du coup, même les immenses avenues engorgées de voitures pressées ne sont pas gênantes, le piéton conservant un espace respectable pour lui-seul.

Nous mangeons sobrement une pizza au Café Nine, non loin de l'hôtel. L'ambiance est sympathique et comme il est possible d'y prendre le petit déjeuner le matin, je pense que nous passerons encore par cette adresse dans pas trop longtemps. A la sortie du restaurant, le choc: il y a donc une vie le soir, même lorsque le soleil est couché! Aucun doute, nous ne sommes plus en Nouvelle Calédonie. S'en suit une délicieuse ballade dans la fraîcheur de la nuit naissante, promenade qui me fait définitivement tomber sous le charme de cette ville, nos pas nous menant jusqu'à Darling Harbour par des zones pavées interdites aux roues et aux moteurs. Saisissante baie bordée par les buildings de la City, centres gigantesques et guirlandes de lumières, calme de l'eau et des quelques bateaux, ainsi se présente ce haut lieu touristique de Sydney. Une brève découverte déjà riche de promesse. De comprendre aussi, dès ce premier jour, pourquoi les gens du caillou qui en ont les moyens se précipitent sur l'ogre voisin.

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Le mardi 13 janvier 2004

La levée du corps est pour huit heures du matin. Une vraie grasse matinée en fait. Le gamin n'ayant pas fait de sieste la veille, il nous aura laissé dormir plus longtemps que d'habitude.

La logistique ne peut plus attendre. Ici, avec un môme, survivre en pays anglo-saxon, c'est manger, en tous les cas s'y essayer. Il nous faut donc avant tout gérer les courses. Le reste, plaisirs juste goûtés hier, doit attendre. Notre programme de la journée s'organise donc pour ainsi dire tout seul: flâner au hasard jusqu'au premier supermarket venu, faire le plein, revenir à l'hôtel et faire dormir la tête blonde pour rattraper le sommeil en retard et digérer définitivement le voyage.

Nous tenons l'objectif même s'il faut demander de l'aide et forcer le hasard pour trouver de quoi se nourrir tout en conservant un semblant de dignité humaine (la bouffe à l'étranger demeure mon pire cauchemar).

Durant nos flâneries prospectives, je dérouille la mécanique photographique pour commencer à prendre mes repères visuels et m'investir dans cet univers nouveau. Je suis parti sans mon sténopé, sans mes toy cameras (Holga and co), sans mon numérique. J'ai décidé, ici, de ne travailler qu'en argentique noir et blanc avec ma pellicule fétiche et anachronique : la célèbre Kodak Tri X. Pas d'esbroufe coté angle de vue: je n'ai dans mes sacoches qu'une simple focale normale, le bon vieil objectif de nos parents. Je suis donc accompagné par le 50 mm summicron du Leica M6 et par le 80 mm T* du Blad 500 CM. Rien que de la vieille mécanique parfaitement entretenue. Sobriété et robustesse au service d'un regard que je veux simple durant tout ce voyage. Une sorte de retour au source, un réapprentissage du classicisme, presqu'une photographie à la Grand-Papa. Je veux la RUE! Je veux la VILLE, MA Ville. Des fragments, juste des fragments. Un peu des jours qui passent. Des lignes et des courbes.

Je réapprends les gestes délaissés en Calédonie. C'est dur, c'est hasardeux, je déclenche à contre-temps, je manque de rythme, je me perds comme si mes yeux ne savaient pas vraiment où se poser. A mon avis, je ne tirerai vraiment rien de mes deux ou trois premiers films. Je suis comme les bons vieux diesels poussifs d'antan: je cliquette méchamment à froid et crache de la fumée noire avant de chauffer et de trouver mon rythme de croisière (ce qui ne garantit aucune protection contre la médiocrité). Tri-X et focale normale, un choix dangereux et terriblement restreint pour une ville dont j'ignore tout. L'avenir seul dira si j'ai eu tort.

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Le mercredi 14 janvier 2004

 
Nous prenons un passeport pour la journée: il donne le droit au bus et au ferry à volonté. Le tout pour la modique somme de A$ 15. La petite famille décolle vers huit heures et demi. Le petit déjeuner se prend comme la veille, au café Nine. Puis, il faut prendre le transport en commun jusqu'au MCA (Museum of Contempory Art)qui se trouve sur un coté de Circular Qay, non loin des Rocks, quartiers mythiques de Sydney avec le pont de fer qui enjambe la baie et avec l'opéra, figure de proue de l'iconographie de la ville à l'international.

Nous commençons par une visite studieuse, celle du MCA. Il s'y tient une rétrospective complète d'une photographe contemporaine australienne, Tracey Moffatt. L'avis sur le travail de cette dernière est mitigé, même si globalement positif. Le travail est certes impressionnant et varié. De plus, à travers cet oeuvre, on distingue clairement une grosse réflexion sur la photographie et l'image en général. Mais l'ensemble ressemble plus à la production d'un metteur en scène cinématographique. Il y a trop de "reconstitué". Qu'on ne se trompe pas, je n'ai rien contre les oeuvres entièrement artificielles, mais il y a parfois chez Moffat l'aperçue d'une vie singée plutôt que vécue, ce qui débouche sur une ambiguïté du propos qui me laisse perplexe. Je note tout de même la série "Fourth", ensemble d'images figeant dans la désillusion les athlètes arrivant quatrième de leur discipline olympique, photos extraites de vidéos. Aussi, une sorte de reconstitution de son enfance, un véritable retour dans le temps, avec une mise en scène et des couleurs dans l'esprit "Life" des années soixante-dix.

A la sortie du MCA, nous mangeons des pâtes italiennes au QaySide. Une bouffe certes rapide, mais qui change des inévitables Burgers qui pullulent ici et auxquels il est difficile d'échapper (sauf à se nourrir de chinoiseries, ce que je ne sais pas et ne veux pas faire).

 
L'après-midi venue, c'est le moment que nous choisissons pour nous diriger enfin vers le célèbre opéra que nous n'avons aperçu que de loin, en particulier du bâtiment un rien stalinien (officiellement style art déco des années 40) du MCA. Nous nous baladons sur Circular Qay et approchons de l'édifice remarquable, emblématique d'une ville et de tout un pays. La foule se masse sur les quais, les ferrys vont et viennent, dégorgeant leur masse de chairs avant de digérer de nouvelles grappes de viandes. Difficile dans cette marée humaine de distinguer les quelques saltimbanques costumés ou les musiciens qui viennent se produire dans la rue afin de se faire quelques précieux dollars. L'opéra est enfin devant nous.

Imposant sans être démesuré, il est une vraie réussite architecturale dont la notoriété n'est pas surfaite. Comment mettre en valeur une telle icone, maintes fois photographier, sans tomber dans le réchauffé. Je suis paralysé. Je n'ose même pas presser le déclencheur. A quoi bon refaire ce que d'autres savent mieux faire. Et puis, englober un tel monstre avec une vulgaire focale normale tient de l'exploit. J'opte juste pour quelques plans jugés "graphiques", tâche parfois d'y inclure quelques touristes contemplant le même spectacle que moi. Je manque de conviction. Peut être alors, un peu de hasard? A moins qu'il ne me faille construire de sortes de fugues en images, par fragments mélangés. Je ne sais pas vraiment, mais j'essaie. Les échecs me font moins peur que l'absence de tentatives.

Puis, nous nous dirigeons vers le National Botanic Park, havre de paix et de verdure dominé par les buildings de la City en arrière plan. Une sorte de Central Park made in Australia.

 
Le temps s'est couvert. Le ciel est bas. Il fait gris depuis le milieu de la matinée. La pluie tombe même par moment. C'est plutôt agréable en fait, surtout après les chaleurs écrasantes de Nouméa. Ma femme en attrape même des frissons, comme si son corps se trouvait surpris. L'inconvénient pour le photographe que je prétends être, c'est la lumière: plate, elle écrase tout, mange le relief. Bref, je fais avec, mais c'est dommage!

 

Le soir, profitant de notre passeport que nous avons un peu oublié, donc pas vraiment amorti, nous prenons le ferry qui nous mène de Circular Qay jusqu'à Darling Harbour. En attendant l'heure du bateau, nous avons profité d'une petite heure pour flâner dans le quartier des Rocks, très bien réhabilité, agréable à vivre et à s'y promener. C'est finalement épuisé que nous rejoignons l'hôtel vers dix-huit heures.
 

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Le jeudi 15 janvier 2004

Ce matin, le programme est moins ambitieux que celui de la veille. Il s'agit de se rendre du coté d'Oxford Street, dans le quartier Paddington, pour visiter le centre australien de la photographie. La galerie n'ouvrant qu'à onze heures, nous descendons tranquillement Pitt Street après la sortie de l'hôtel. Nous prenons un petit déjeuner dans un snack de la rue, dont le serveur d'origine italienne fait honneur au bagou des habitants de son pays. En continuant notre descente de Pitt Street, nous croisons Market Street, la grande rue marchande de la ville. S'en suit une longue flânerie dans les boutiques. Mais la mode australienne nous laisse de marbre, en particulier ma femme qui se demande pourquoi les calédoniennes montrent tant d'engouement à aller faire du shopping dans ce pays. A l'angle de King Street et de George Street, je trouve dans un magasin de photos le petit pied de table que j'utilisais avec le sténopé avant que la mer, dans laquelle je l'immergeais bien trop souvent, ne finissent par souder les pièces mobiles entres-elles sous l'action du sel. Du coup, je rachète cet exemplaire qui me tend les bras.

 
Puis, l'heure tournant, nous traquons un bus pour rejoindre Oxford Street. Mais impossible de tomber sur le bon numéro, pourtant indiqué sur le plan. Du coup, c'est à pied que nous rejoignons la rue convoitée, avant de devoir la remonter jusqu'à Paddington. Oxford Street est sympathique, bordée de petites façades colorées, découpées dans un style anglais du début du siècle et ressemblant un peu à des décors en carton pâte pour le cinéma. Pas le moindre immeuble. C'est une toute autre ville que nous découvrons en tournant le dos à la City. Le ciel laisse tomber le gris du matin et de la veille pour se peindre de bleu. La chaleur se fait sentir tout au long de notre marche qui nous semble interminable. A croire que cette rue ne s'achève jamais.

Cela fait maintenant plus de trois heures depuis ce matin que nous déambulons dans Sydney, avec la poussette ou pire, le gamin sur les bras. Je sens mon dos qui me fait un peu plus mal chaque jour qui passe.

Nous tombons enfin sur le centre tant attendu. Finalement, il s'avère décevant. Le lieu est sympathique mais petit, surtout pour une ville comme Sydney. Dans le hall d'entrée, sont exposées des photographies qui furent l'objet d'un concours Nikon. Le niveau est plutôt bon, les images résolument contemporaines, très éloignées des produits insipides qui envahissent la société photographique de France. Dans la galerie proprement dite, des images de différents artistes australiens, sans liens apparents autre que celui de partager la même nationalité, en très grands formats, avec des couleurs claquantes. Des images axées sur les gens à l'intérieur, chez eux, dans un style qui semble très à la mode actuellement puisque je me souviens du mois de la photo à Lorient, en Bretagne, dont le thème était justement "Habitants-Habitus".

 
Nous prenons sagement le bus pour rentrer. Je n'ai plus vraiment de jambes, ni de dos. Le véhicule nous lâche sur Pitt Street, au niveau d'Elizabeth Street. Nous mangeons une pizza, une fois de plus et rentrons à l'hôtel pour que le môme, qui donne des signes évidents de fatigue et d'énervement, se repose. Je fais d'ailleurs de même pendant que ma femme, courageusement, se lance à la recherche d'un cyber-café pour donner quelques nouvelles rassurantes à la famille.

 

Après la sieste, nous optons pour une nouvelle descente vers Darling Harbour. Nous mangerons là bas et profiterons des manifestations du Sydney Festival qui bat son plein en ce mois de Janvier. Effectivement, il règne une ambiance Latino-Salsa sur les quais. Bonne humeur et cocasserie au programme: les australiens, esthétiquement et morphologiquement croisés entre anglais et américains, se déhanchant sur de la salsa dans un style dépareillé à l'anglo-saxon, forment un ballet qui vaut franchement le coup d'oeil. Nous rentrons peu après la nuit avec l'impression que déjà, le temps nous échappe et que l'heure du départ approche trop rapidement.
 

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Le vendredi 16 janvier 2004

Une déception nous attend au réveil. Le temps n'est plus seulement gris et la lumière plate. Cette fois ci, il tombe des trombes d'eau. Avec nos petits tee-shirts pour seuls vêtements, nous perdons rapidement toute dignité. Il faut improviser et se garder de toute flânerie extérieure.

 
Le shopping semble tout indiqué et permet de nous abriter dans les immenses galeries marchandes qui envahissent la ville de Sydney. Pour faire plaisir au gamin, nous en profitons aussi pour prendre le monorail qui tourne autour de la city, de China Town jusqu'à Darling Harbour en passant par Market Street. Nous échouons finalement sous une pluie battante au quartier des rocks, non loin du célèbre pont de fer et mangeons dans une brasserie bavaroise où nous goûtons à une ambiance folklo-germanique étrange en ce pays.

A la sortie, le ciel est toujours aussi peu clément. Du coup, nous lançons un raid sur le Sydney Museum, consacré à la ville et à son histoire. L'ensemble est assez modeste mais la galerie principale consacre ses murs à une exposition d'un photographe japonais sous la forme d'une rétrospective couvrant les années 20 à 40. Kiichiro Ishida fut un temps partie du "Sydney Camera Circle" avant de retourner dans son pays d'origine. Les tirages d'époque, "soft" et poétiques, un peu trop romantique peut-être, sont plaisants à l'oeil même s'il reste solidement encrés dans leur temps et paraissent, pour certains, un peu datés dans l'esprit. Mais sa période japonaise est nettement plus moderne que son passage australien. Elle colle avec l'esprit "zen" qu'on s'imagine volontiers du pays alors et se promener dans ces images, c'est un peu comme évoluer dans le jardin d'un vieux maître amoureux de l'eau, de la terre et du vent.

La suite de la visite du musée ne comporte guère de surprises. Les salles sont peu nombreuses et minuscules, l'ensemble n'étant pas à la hauteur de la ville elle-même.

A la sortie, nous remontons à pied, toujours sous la menace des nuages qui laissent échapper un peu de leur venin pour nous rappeler qu'il ne faut pas espérer achever la journée sous le soleil, George Street, des rocks jusqu'à notre hôtel. Impossible de prendre le bus puisque la tête blonde se laisse aller dans sa poussette. S'engouffrer dans un transport en commun maintenant, c'est le condamner au réveil.

L'appartement retrouvé, c'est l'occasion de nous ressourcer un peu, de nous sécher aussi, de nourrir le diable très remonté une fois son petit véhicule abandonné et l'heure tournant, le ciel refusant de se dégager, de nous contenter d'une nouvelle ballade qui nous amènera dans une magnifique galerie marchande, Victoria Galery, probablement la plus stylée de la ville avec son charme rétro, son entretien impeccable, son atmosphère de château bourgeois ou de city anglaise rythmée par d'immenses horloges qui sonnent et s'animent toutes les heures.

Il reste à espérer que demain, le temps sera plus clément.

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Le samedi 17 janvier 2004

Les journées ici passent décidément trop vite. Il me semble que c'était seulement hier que grondait le tonnerre et bondissait le coeur avant que je n'ouvre enfin les yeux sur Sydney. Dès demain pourtant, je m'envole vers d'autres horizons.

Le temps est encore au gris mais, aux quelques trouées bleues dans le ciel, je devine que la journée sera bonne, qu'il ne pleuvra pas et que nous pourrons profiter à plein de nos derniers moments ici.

Maintenant que nous connaissons bien la city, nous décidons d'opter pour la plage, à l'est de la ville: Bondi Beach. Un trajet en bus qui me semble interminable sans qu'il ne le soit pourtant réellement et la baie au sable jaune se dévoile enfin à nous. Rien de vraiment spectaculaire à vrai dire même si le lieu est célèbre. Sans doute sommes nous assez blasés: trente ans de vie en Bretagne et une vie en Nouvelle Calédonie nous ont rendue la mer et le sable familiers. Ici, ce qui est intéressant, c'est surtout qu'une ville de la taille de Sydney avec ses quatre millions d'habitants, puisse être ainsi bordé de plages, un peu comme si Paris débouchait directement sur l'Atlantique.

Pour le reste, c'est assez touristique, un rien m'as-tu-vu, ça court, ça surfe, ça nage, ça paufine son corps et se laisse croquer par un soleil pourtant dangereux. Pour un peu, je retrouverais presque l'esprit de l'Anse Vata. Mais ne boudons pas notre plaisir. La plage est belle, le sable d'un jaune lumineux est à grains fins et les vagues sont ludiques sans former de trop gros rouleaux qui nuiraient à la baignade.

Au retour, nouvel arrêt dans le quartier de Paddington autour d'Oxford Street. Ici, point de buildings comme à la city. Juste de toutes petites maisons très coquettes, serrées les unes contre les autres comme si elles avaient tout le temps froid, avec des façades aux allures de jouets. Un vrai quartier de poupées, dans un style très anglais qui change du coté plus américain du centre d'affaires.

Nous rentrons à pied, une fois de plus, en remontant Oxford Street. Mon dos recommence à me faire mal après tous mes efforts de la semaine mais le moral est beau fixe.

Le soir, nous nous contentons d'un repas frugal que nous préparons nous-même à l'hôtel, juste après nous être accordée une dernière petite virée à Darling Harbour, en guise d'au revoir. En rentrant à l'appartement, dans China Town, nous assistons à une scène très violente où une femme aborigène, complètement hystérique et incontrôlable, prend violemment à partie quelques asiatiques autour d'elle.

Je n'ai pas compris ce qui a déclenché sa fureur. J'entends juste hurler de sa bouche: I'm shocking, I'm shocking! I'm Black and I'm shocking! Et d'en venir alors aux mains avant que quelques vigiles ne la maintiennent très durement et la jettent finalement à terre. Je vois son visage qui se lève vers ses bourreaux, portant le masque de la rage. Je vois les larmes dans ses yeux. J'entends les hurlements, de colère, d'impuissance, de peur aussi. Je porte machinalement le Leica à hauteur de mon oeil et, presque sans viser, sans faire de mise au point ou gérer la lumière, j'appuie. Clic-clac. J'arme pour recommencer, mais sans succès. C'était la dernière image du film.
 

Le soir, avant de m'endormir, j'ai encore dans la tête les cris de cette femme, je revois sa fureur mélée de peur. L'Australie, malgré ses critiques à la France sur sa position (contestable) océanienne, tire aussi derrière elle un bien lourd fardeau [...]

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